« Aux grand.e.s, la Patrie reconnaissante »

C’est en me promenant dans les rues de Paris, que j’ai découvert le Panthéon, et j’ai été intriguée par l’inscription sur son fronton : « Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante ».

On m’a expliqué la signification de cette phrase, le projet du Panthéon par lequel la nation française rend son plus grand et ultime hommage à ses illustres figures… et les noms font rêver : Victor Hugo, Zola, Rousseau, Jaurès…

Mais de tout de même, un mot dans l’inscription me chiffonnait : « hommes ». « Aux grands HOMMES la Patrie reconnaissante »…
Alors bien entendu, on ne manquera pas de m’expliquer qu’il s’agit d’Homme” avec un h majuscule, « Homme » comme synonyme d’humanité, et non « homme » comme individu de sexe masculin.

Malheureusement le décompte des panthéonisé.e.s contredit beaucoup cette explication : 76 individus, seulement 5 femmes (dont Sophie Berthelot inhumée au Panthéon uniquement pour accompagner son époux).

Est-il possible que dans toute l’Histoire de France, à travers les arts, la littérature, les guerres, les révolutions, la science, seulement 4 femmes méritent la panthéonisation ?

La vérité est qu’en France comme ailleurs, les sociétés ont tout fait pour empêcher les femmes de s’inscrire dans le destin des nations et les cantonner à leur rôle de mère et d’épouse (interdiction de l’instruction, de l’enseignement, d’étudier la médecine, de peindre des nus…).

Et celles, nombreuses, qui ont, malgré tous les obstacles, réussi à s’élever dans l’Histoire, le récit national les efface, les invisibilise.

• Seulement une vingtaine d’artiste femme pour toute la collection du Louvre.
• Seulement 296 au musée d’Orsay pour 4463 hommes.
• Seulement 5% des rues de Paris portent le nom d’une femme.
• Seulement 5 femmes au Panthéon.

Il faut aujourd’hui ramener la vérité dans l’Histoire, apprendre aux nouvelles générations, et à tous, que la littérature est aussi faite d’autrices, que l’art est fait de femmes artistes, que le progrès est aussi mené par des femmes (chercheuses, médecins), que les guerres sont aussi menées par des femmes, et qu’elle comptent leur lot d’héroïnes.

Les livres d’histoire, les salles de musée, la crypte du Panthéon, sont incomplets, tronqués, ils le seront tant qu’on n’aura pas donné aux femmes la place qui est la leur. Il faut ramener les femmes dans la lumière.

C’est ce à quoi je veux participer avec mon projet « Aux grand.e.s, la Patrie reconnaissante ». Des centaines de femmes méritent d’entrer au Panthéon, j’ai choisi de faire le portrait de 10 d’entres elles : Olympe de Gouges, Solitude, Louise Michel, Madeleine Brès, Camille Claudel, Berty Albrecht, Paulette Nardal Joséphine Baker et Simone de Beauvoir.

Carmen Selma